Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     PERDRE     
FEW VIII perdere
PERDRE, verbe
[DÉCT : perdre ]

"Perdre"

A. -

"Être privé de qqc. ou de qqn"

 

1.

"Cesser d'avoir (un bien)" : Tu feras ce que te diray, Cochet, et riens n'y perderas : Un grant feu cy m'alumeras, Conme s'ardisses une famme... (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 19). Vostre chastellain ci m'envoye, Qui me fait dire (...) Que se brief (...) Ne li aidez a li deffendre, Vostre chastel li convient rendre, Et si perderés vostre terre (Mir. fille roy, c.1379, 65).

 

-

Empl. abs. : Je n'ay pas donc perdu granment Se de Paris ne m'ay meu. (Mir. chan., c.1361, 164). ...vostre roy Alfons M'a courroucié ; il a mal fait : Si vous fault comparer son fait, Et li mesmes voir y perdra (Mir. Oton, c.1370, 336). Vous perderez trop malement, Sire, se vous ce change faictes (Mir. st Alexis, 1382, 320).

 

.

[P. oppos. à gagner] : Il faudra (...) que croie sanz contredit Ce que le prisonnier m'a dit, Si que, doie perdre ou gangnier, Certes nu le verray [mon gendre] baignier (Mir. fille roy, c.1379, 97).

 

2.

"Être séparé de qqn par la mort" : Se perdu avez une femme, Cent en arez, se vous voulez (Mir. emper. Romme, 1369, 309).

 

3.

"Être privé de l'usage d'(une faculté) ou d'(un membre)"

 

-

[Faculté] : Lasse ! j'ai perdu le taster. (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 214). Car il pense, ains qu'il perde vie, Sire, a vous de plus en plus nuire (Mir. Amis, c.1365, 11). De joie ont perdu la parole Touz deux et sont en paumoisons (Mir. emper. Romme, 1369, 310).

 

-

[Membre] : ...lasse ! mes mains Ay perdu. (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 214). Di a ma dame que je vueil Tresvoulentiers perdre un mien oeil Pour li veoir. (Mir. emp. Julien, 1351, 218).

 

4.

"Ne plus pouvoir trouver qqn" : LE ROY. M'amie, (...) Par devers vous retourneray, Quant ma gent retrouvé aray Que perdu ay. (Mir. femme roy Port., c.1342, 165). ...quant ilz s'en revindrent, ilz obliérent l'enfant Jhesu en Jherusalem et le perdirent trois jours (Mir. Theod., 1357, 80).

 

-

Part. passé. [En constr. attributive] "Égaré" : JOSEPH. (...) Conment ! Jhesus est il perduz ? (...) NOSTRE DAME. E ! lasse ! grant douleur m'espoint. Je ne scay ou il est alez. (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 230). Cet homme ne trouverons pas, Il est perdu. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 294).

 

5.

"Ne plus pouvoir trouver qqc." : Mais en pensant conme esperdu Ay je mon droit chemin perdu (Mir. march. larr., c.1349, 115).

 

6.

"Gaspiller" : Tu crois avoir perdu ton temps Et si te tiens pour deceu : Sachiez le moinne qu'a veu Si est ta femme en verité. (Mir. Theod., 1357, 93). Perdre aussi bien va son langage Conme s'il aloit batre Saine (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 235). Musehault, certes, il me semble Que noz pas gastons et perdons. (Mir. st Alexis, 1382, 328).

 

7.

"Ne pas obtenir l'avantage dans (une bataille)" : Au mains ont il perdu sanz faille Ceste premeraine bataille (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 58).

B. -

"Priver qqn de qqc."

 

1.

"Déconsidérer, déshonorer"

 

-

Part. passé. [En constr. attributive] : SUER MARIE. (...) Bien voy que nous sommes perdues, Puis que l'evesque a main nous prent (Mir. abbeesse, 1340, 95). LA FILLE. (...) Aidiez moy, ou perdue sui. J'ay meschief et assez annuy A porter, voir. LA BELLE ANTE. Et de quoy ? je le vueil savoir Ysnellement. LA FILLE. Je suis malade vraiement D'enfant ; le celer riens n'y vault. (Mir. Theod., 1357, 104). Nous sommes perduz et honnis. (Mir. Berthe, c.1373, 204).

 

2.

RELIG. "Damner"

 

-

Part. passé. [En constr. attributive] : Se je crestiennez ne suyz, Perdu seray et mal bailliz. (Mir. enf. diable, c.1339, 50). Ha ! sire, le doulx roy haultismes Me het, et il a bien raison (...). S'en cest estat fas plus demour, Je suis perdue. (Mir. nonne, 1345, 344). Las ! je suis perduz et dampnez Se je ne met en moy deffense. (Mir. chan., c.1361, 169).

 

3.

[En parlant d'armées en guerre] "Défaire, battre"

 

-

Part. passé : ...a effors Viennent ci, et est leur entente De vous conquerre sans attente. Perduz sommes et essilliez, Sire, se ne nous conseilliez Sur cest affaire. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 55).
 

Miracles Pierre Kunstmann


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